Focus sur la question d’une tenue décente dans un établissement scolaire

Qu’est-ce qu’une tenue vestimentaire interdite ? Les vêtements et les autres attributs du « look » ou « qui font genre » : un habit, voire une attitude, peuvent-ils conduire devant le Conseil discipline ? Comment appréhender la question ?

Tentative de synthèse, en l’état des connaissances dont nous disposons, sans réaliser des recherches juridiques et judiciaires exhaustives, à la vue de Marianne, symbole du modèle républicain, ayant été présentée légèrement vêtue. Que peut-on permettre et défendre chez nos enfants et que les directions des établissements peuvent-elle légalement reprocher ?

Infos pratiques

Nul n’est censé ignorer la loi

 

Les textes de référence sont le Code de l’éducation, la circulaire du 1er août 2011 sur « Le règlement intérieur dans les établissements publics locaux d'enseignement » ainsi que le règlement intérieur de l’établissement scolaire.

 

L’article L. 141-5-1 alinéa 1er du Code (issu de la Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics) de l'éducation dispose que « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Le rappel de ce texte est indispensable mais hors sujet pour ce qui concerne les visibles bretelles de soutien-gorge, les chaussettes montantes... lesquelles ne révèlent pas une connotation religieuse, précision faite qu'il s'agit là des vues contrariantes discutées et discutables des directions d'établissements scolaires. La Loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public dispose que « Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Ce sont les deux textes législatifs applicables à la question. La question de la décence est absente des préoccupations du législateur.

 

L’article R. 421-5 du Code de l'Éducation prévoit que le règlement intérieur « définit les droits et les devoirs de chacun des membres de la communauté éducative », en résumé rappelle les règles de civilité et de comportement. L’édiction du règlement intérieur fait intervenir le conseil d’administration de l’établissement. Il s'agit donc d'un texte collaboratif, à la différence de sa mise en œuvre par les directeurs, principaux et proviseurs au sein de chaque établissement, sur l'invitation du Code de l'éducation.

 

Des vêtements peuvent être interdits pour des raisons de sécurité, d’hygiène ou de fraude.

 

Il existe des tenues vestimentaires qui sont une distinction innocente et sans signification d’importance, ne marquant pas une appartenance ou un ralliement suspect dans certains contextes. La difficulté tient à ce que le contexte évolue et empêche de dresser une liste immuable. Des interdictions de principe (comme le port d’un couvre-chef) sont susceptibles d’être perçues comme une atteinte à la liberté d’expression reconnue aux élèves (article 10 de la Loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation dite Loi JOSPIN) qu’une juridiction administrative annulerait.

 

Choisirait-on de parler d’une tenue « neutre » que cela ne conviendrait que pour autant que serait exprimé à l’égard de quoi il faudrait être neutre. En l’état des textes, la neutralité n’existe que par référence à la religion (cf. article L. 141-5-1 alinéa 1er du Code de l’éducation).

 

Pas de réponse au cas par cas selon le vêtement, voire l’attitude incriminés

 

De l'examen des cas d’espèces ayant fait polémique ou traduits en justice, il semble que la liberté des élèves sur la tenue vestimentaire se soit réduite au fil des dizaines d'années passées mais ce sentiment est empirique, si nous en croyons que ce que, nous, parents nés pour la plupart autour des années 1970, avons vu (ou cru) dans notre jeunesse.

 

Une étude de cas ne permet pas de répondre de manière péremptoire sur telle tenue vestimentaire, sachant que n’existe aucune liste des vêtements qu’un règlement intérieur pourrait ou non être qualifié de convenable. Les critères d’une « tenue appropriée » dans le cadre scolaire ne sont pas davantage connus.

 

Un « bout de bretelle de soutien-gorge » (par référence aux sous-vêtements qui selon le règlement intérieur ne doivent pas être visibles) ou des « chaussettes montantes jusqu’aux genoux » caractérisent-ils une tenue vestimentaire indécente, s'agissant de sous-vêtements ? Le port du jogging a pu être interdit, comme le port de casquettes et autres couvre-chefs, comme celui de pantalons de survêtement amples, confortables et tendances dont les adolescents sont friands selon les modes. Mais ces interdictions ne peuvent pas être déclarées légales pour autant, tant que le juge n’a pas été sollicité. Qu’en est-il des shorts, tongs, vêtements déchirés et jupes trop longues, hauts trop courts ou trop décolletés, croc-top, pantalons taille basse, leggings, strings, piercings, talons hauts, mini-jupes ? La liste pourrait être interminable et presque générationnelle mais impossible parce que fluctuante au gré des époques (un perfecto est-il encore une tenue vestimentaire inadaptée parce qu'avec une connotation ?).

 

Ne doit-on pas alors considérer que l’absence de liste nationale des vêtements interdits s’avère une chance pour des relations sociales abouties et un progrès possible selon les époques encouragé ?

 

Il faut cependant un vêtement. Un torse nu devrait être une tenue inadaptée (bien que l'élève ne porterait partiellement et précisément pas de vêtement) mais nous n’avons pas lu une décision de Justice sur ce point ou un texte l’interdisant expressément, même s'il s'agit ici de l'absence partielle de tenue vestimentaire qui poserait une difficulté. L'appréciation glisse de la tenue vestimentaire à la tenue sans considération du vêtement, entendons par là l'attitude ; certains parleraient de « dégaine ».

 

L’entrée dans l’établissement scolaire ne peut pas être interdite à la vue d’une tenue, voire au regard d’une attitude qu’une direction ne voudrait pas voir dans l’établissement scolaire

 

Privé ou public, un établissement ne peut pas interdire l’entrée à un élève, sous prétexte de sa tenue vestimentaire. Une procédure disciplinaire peut être engagée. Les sanctions sont connues. La sanction prise par le conseil de discipline de l'établissement scolaire, sur une proposition de sa direction, peut être contestée devant le Recteur de l’Académie après une audition devant une commission qui a un rôle consultatif (l'avis est cependant suivi dans la grande majorité des cas).

 

Le dialogue entre l’établissement et la famille est une injonction

 

S’il doit exister un conseil à destination des familles, il est contenu dans l’article L. 141-5-1 précité du Code de l’Éducation qui prévoit que « Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève ». La nécessité d’une relation apaisée avec la famille et avec l’élève doit être réaffirmée et dominer quant à la gestion d'une crise éventuelle.

 

Les parents d'élèves sont en droit, via ou non la FCPE, d'interpeller le recteur de l’académie si nous sommes en droit d’estimer que notre liberté est atteinte par l'arbitraire de l'Institution, surtout de ses acteurs. Il ne s'agit pas seulement de faire en sorte que les élèves soient heureux d'aller dans « leur collège » ou « leur lycée ».

 

La procédure disciplinaire, précédée obligatoirement d’un dialogue, est la seule voie possible en cas d’échec de celui-ci

 

La tenue vestimentaire peut relever d’une procédure disciplinaire avec les droits attachés en faveur de l’élève. C’est donc par les biais, d’abord du règlement intérieur, ensuite le cas échéant d’une procédure disciplinaire que la question d’une tenue indécente ou non peut trouver un dénouement. Les appréciations de la direction de l’établissement et de la famille de l’élève peuvent différer et c’est bien là toute la difficulté.

 

Les directions des établissements sont finalement assez libres de poursuivre disciplinairement ce qui leur semble inadapté dans les murs de l’établissement scolaire. Mais beaucoup des velléités d’interdiction de la part des directions sont illégales, même si certaines contrariétés peuvent se concevoir.

 

Article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

 

Ce que serait une « tenue républicaine » n’est pas connu, au contraire des lois de la République, déjà décrites, lesquelles apportent la réponse de principe aux éventuels litiges entre les familles et les établissements scolaires. La démocratie est le régime politique donnant aux représentants du peuple le pouvoir (par opposition à l'autocratie [un seul individu] et à l’aristocratie [pouvoir détenu par une élite minoritaire mais dominante]) et dans lequel les principales libertés sont respectées.

 

Il nous reste donc et avec évidence à nous recommander du texte de 1789 qui dispose que « Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ». Telle est la première référence textuelle et la réponse de principe qui peut, voire doit être apportée en cas de litige et notamment de procédure disciplinaire, si le Code de l’éducation et la loi au sens large ainsi que le règlement intérieur n’édictent pas l’interdiction qui plairait à la direction de l’établissement scolaire.

 

Tout ce qui n'est pas interdit demeure autorisé. C’est ce que l’Ecole nous avait appris. CQFD

 

 

texte rédigé par Christophe Gros, président de la FCPE de la Savoie (contact@fcpe73.org)